Après l'annonce
de son départ, Kirishima prenant le titre d'ancien de Shikoroyama,
prépare ce qui constitue ses "adieux au sumô", sa cérémonie
de Danpatsushiki. Cette préparation lui demande près
de dix mois.
Le mage (chignon) est ce qu'on
pourrait appeler le symbole même du lutteur de sumô; c'est
lui qui démarque le lutteur des gens du commun. On ne saurait concevoir
un lutteur de sumô sans ce signe distinctif, affirme Kirishima qui
ajoute que "le chonmage fait pour ainsi dire le lutteur". Lorsqu'un
lutteur coupe son chignon, il met un terme définitif à sa
carrière, laissant derrière lui ses rêves ...pour se
réintégrer dans la réalité du monde extérieur.
Pour un lutteur de rang élevé et de grande
renommée, cette occasion donne lieu à une cérémonie
d'adieux célébrée en grandes pompes dans le Kokugikan
(Palais national du sumô) à Tokyo, cérémonie
de solidarité à laquelle participent tous les confrères
en activité.
C'est un événement émouvant qui
marque la "Fin", un tournant crucial dans la vie pour le lutteur et des
adieux poignants pour les spectateurs.
Les billets s'étaient arrachés
six mois à l'avance, et il ne restait plus que des places dans les
gradins des derniers étages tout en haut de la salle.
La veille de ce jour mémorable, il achève ses derniers
préparatifs, l'air détendu et insouciant.
L'affiche annonçant la cérémonie, visible sur
les vitrines des commerces
Une foule dense se presse à l'entrée dès les premières heures du matin, attendant l'ouverture des portes
A l'entrée du Kokugikan, de grands panneaux affichant l'événement
C'était le samedi 1er février
1997. Une belle journée d'hiver, ensoleillée.
L'affluence commence dès les premières
heures de la matinée, et vers 9 heures, on remarque déjà
une foule dense entourant les bâtiments du Kokugikan, quand commencent
à résonner les tambours annonçant l'événement.
Ce n'est que vers 10 heures 30 que les portes
s'ouvrent enfin. La foule s'engoufre dans les locaux. Kirishima
accueille les visiteurs dans le grand hall, en compagnie de son oyakata
(ex. Sakahoko) et de sa femme Naoko.
Bien avant l'ouverture des portes, il se trouvait déjà
sur place, en habit de cérémonie
(veste montsuki et pantalon rayé hakama)
Sa femme Naoko et sa fille Elisa arrivant un peu plus tard
ils s'entretiennent avec quelques connaissances
Tôt dans la matinée, il était sur place avant tout le monde, pour être coiffé : c'était sa dernière coiffe de cérémonie, le ô-ichô. La veille, il avait dit fièrement "Je serais en ô-ichô demain; vous verrez, c'est plus intéressant que maintenant avec juste mon chonmage; il ne faudra pas manquer de venir me prendre en photo!"
Visiblement, ce n'est à partir de ce moment-là qu'il
commence à réaliser toute l'importance de ce jour...
Entre temps, les préparatifs de la salle s'achèvent,
une salle déjà remplie de fond en comble...
Plus de onze mille personnes dans la salle
Le programme de la journée
Grande séance de sumô
en l'honneur du départ de Kirishima
et de son accession au titre
de Shikoroyama
* * *
Tambours d'appel (exécuté par yobidashi de l'école Tokitsukaze)
Tournois éliminatoires des makushita de Tokitsukaze-ichimon
(en quatre tours)
Shôeito - Toyozakura
Tokitsu-umi - Hidaka
Tsuchihashi - Jûmonji
Ooikari - Futatsukuni
Kabutonishiki - Daishinki
Oominato - Arauma
Tokiyutaka - Sotogahama
Tatsukabuto - Fukuzono
Sumô-jinku (chants de sumô)
interprétés par Kôbô, Subaru, Toyozakura,
Takino-oto, Komachikara, Kasuganishiki
dont un en l'honneur de Kirishima (pour
la description et l'enregistrement en mp3, cliquer ici)
Démonstration d'élaboration du chignon (Kami-yui),
effectuée par Tokotsuru sur Terao
Entrée en scène des jûryô (12 heures 30)
Exercice de Butsukari-keiko
par Kirishima avec Akinoshû
Shokkiri (intermède comique)
par Takanohikari et Takanoshô, arbître Kimura Yônosuke
Combats des jûryô
Tokitsuumi - Tochinofuji
Akinoshû - Oohinode
Chiyotenzan - Kyokutenhô
Toyonoumi - Sunahama
Zenshin.yama - Kushimaumi
Tomonohana - Ootsukasa
Saigô - Dewaarashi
Wakanojô - Oginohana
Wakashôyô - Kotogaume
Naminohana - Tochinonada
Tokitsunada - Mainoumi
Dejima - Daizen
Chiyotaikai - Gojôrô
Yagura daiko (démonstration de différents roulements
de tambours)
par le yobidashi Eitarô
Discours
par Ozato Sadatoshi, Président général de l'association
de soutien de l'Izutsu-beya, député, ancien ministre du travail,
ancien ministre des affaires anti-sismiques
La "Cérémonie" (de coupe des cheveux danpatsu-shiki)
Remise d'une gerbe de fleurs
par Yoshinaga Elisa
Démonstration de mise en place de la corde (nouée autour
de la taille du yokozuna)
sur Akebono Tarô, 64ème yokozuna
Entrée en scène des maku-uchi
Entrée en scène des yokozuna
Entr'acte
Combats des lutteurs du maku-uchi
Kotobeppu - Misugisato
Shikishima - Yamato
Konishiki - Rikiô
Gan.yû - Kotoinazuma
Daishi - Kotoryû
Daihishô - Tochiazuma
Hamanoshima - Minatofuji
Mitoizumi - Terao
Aogiyama - Asanoshô
Oginishiki - Kotonowaka
Asanowaka - Kitakachidoki
Tochinowaka - Kyokushûzan
Asahiyutaka - Higonoumi
Tamakasuga - Kenkô
Tosanoumi - Takatôriki
Musôyama - Akinoshima
Trois derniers
combats :
Takanonami - Kotonishiki
Wakanohana - Musashimaru
Akebono - Takanohana
Clôtûre par déploiement de l'arc (yumitori-shiki)
par Wakakaze
* * *
Kirishima dans le couloir pendant l'entrée en scène
des jûryô,
attendant de passer pour sa démonstration d'exercice dit
de butsukari-keiko.
L'apparition de Kirishima tant attendue provoque
un déclic dans la salle.
"C'est la dernière apparition de
Kirishima en mawashi sur ce dohyô du Kokugikan qu'il a foulé
pendant plus de vingt-et-un ans", commente le présentateur de la
NHK.
Il se met en position de butsukari-keiko avec son cadet Akinoshû
(alors jûryô)
L'exercice consiste à se faire repousser d'un bout à
l'autre de dohyô
Un exercice exécuté en maître qui captive par
sa sobriété et sa pureté
L'exercice est terminé et Kirishima se retire sous les applaudissements ravis des spectateurs.
Il réapparaît plus tard dans
le couloir, en tenue de circonstance, attendant son tour.
Cette fois-ci, c'est la bonne. Le moment décisif
approche.
Une certaine détermination lui est nécessaire pour
cet événement
Il s'avance vers le dohyô
marque un arrêt devant le dohyô
franchit la marche, s'avance vers le milieu du dohyô et salue
Il prend place sur la chaise pour la danpatsu-shiki.
L'arbitre qui conduit la cérémonie est Shikimori Kandayû.
La cérémonie de coupe des cheveux commence
L'arbitre indique à chacun l'endroit précis où
faire l'entaille
avec l'impressionnante paire de ciseaux dorés gravés
à l'effigie de la Nihon Sumô Kyokai
Les personalités qui on soutenu Kirishima
durant sa carrière montent sur le dohyô à l'appel de
leur nom et qualité, et défilent les unes après les
autres en une monotone procession.
Chacun gravissant posément les deux marches
du dohyô, s'avançant jusque derrière l'épaule
de Kirishima où il salue profondément, soulève l'énorme
paire de ciseaux (reposant sur un coussin maitenu sur un plateau par l'arbitre);
exécute délicatement une entaille symbolique à l'endroit
approprié, puis dépose à nouveau l'objet sur son coussin,
et salue une nouvelle fois avec gravité avant de se retirer pour
laisser la place au suivant. Tout cela est si solennel.
Les personalités officielles viennent
en premier, suivies par des gens plus proches, des amis (célébrités
de la télévision, chanteurs, sportifs...), la famille, et
ensuite quelques représentants parmi les lutteurs...
Ainsi l'un après l'autre passent
270 personnes. Pendant tout ce temps Kirishima conserve une immobilité
de marbre.
Elisa suit de loin le déroulement, d'un air qui ne montre
que trop bien à quel point elle compatit avec son père;
Naoko, derrière elle ne peut pas cacher ses larmes.
L'émotion de la salle durant ce défilement interminable est à son comble. Certains spectateurs contemplent la scène avec consternation, comme enfouis dans leurs souvenirs; d'autres essuient des larmes en silence; des appels déchirants et des cris d'encouragement retentissants fusent de çà et là des derniers niveaux de la salle : "Kirishima! Kirishima!!!"
Le père de Kirishima, Yoshinaga Yoshimitsu
Akebono
Konishiki,qui lui souffle quelques mots à l'oreille; c'est
là que Kirishima laisse percevoir un sursaut d'émotivité
en tordant nerveusement le mouchoir dans ses mains
Tosanoumi et Terao
L'arrivée de son ancien maître (ancien Izutsu oyakata;
ex-Tsurugamine) semble éveiller biens des souvenirs chez Kirishima,
et en particulier quand celui-ci lui donne une tape affectueuse sur l'épaule...
l'émotion contenue jusque là déborde
Il se reprend bien vite, avant que son oyakata attitré du
moment (Sakahoko) place le coup de ciseaux final qui sectionne la masse
C'est fini...
Il se lève et salue le public en compagnie de son oyakata,
dans les quatre directions de la salle
Un moment d'émotion intense aussi bien pour les proches que
pour les spectateurs
Il reçoit une gerbe de fleurs des mains de sa fille Elisa
à partir du pied du dohyô
Il salue à nouveau, dignement
L'obscurité se fait dans la salle et le narrateur fait un
rappel de sa vie et de sa carrière
La partie mémorable et bouleversante pour les spectateurs vient de s'achever. La pesanteur de l'atmosphère tombe peu à peu avec l'entrée en scène des lutteurs du maku-uchi et celle des yokozuna. (Tout le monde était présent à l'appel; aucune défection comme on en voit actuellement.) Le spectacle prend un tour plus "terre à terre" se poursuivant par les combats proprement dits que beaucoup de spectateurs ont dû suivre avec un arrière-goût d'irréel, gardant encore à l'esprit l'impression poignante de la cérémonie à laquelle ils venaient d'assister.
Le moment crucial est terminé et Kirishima est entre les mains
d'un nouveau coiffeur
qui lui arrange sa coupe définitive entouré par une
meute de journalistes
Il revêt un vêtement moins formel et Elisa lui rectifie
la cravatte
Le chignon coupé, bien à l'abri dans une caissette
de verre; un reste impérissable de sa vie de rikishi.
"C'était une
cérémonie somptueuse; j'espère que celle-ci restera
dans le souvenir des gens qui y ont assisté et que je remercie du
fond du coeur pour être venu jusqu'ici," dit Kirishima.